Andrée Simon

Biographie

La peinture est misogyne.
Du moins l’était-elle avant qu’on ne découvre le génie de Camille Claudel, sortie avec fracas de l’ombre de Rodin.
Et aujourd’hui Popova, Gontcharova, après Berthe Morizot, rompent la douce tranquillité d’une peinture qui n’aurait été qu’une longue histoire masculine. Un musée a même été consacré à la femme peintre, à Washington.
A Lyon, à l’Embarcadère, et en 1992, à Sao Paulo, au Musée d’Art (MASP), c’est un grand peintre des réalités nouvelles, ami de Lhote, Degand et Degottex qui sort de l’oubli : Andrée Simon (1896-1981).
"Ce qui me paraît conférer à la peinture très saturée, sombre ou violemment colorée d'Andrée Simon son pathétique, son caractère d'âpreté singulière, c'est la trace du conflit et de la lutte qui éclate aux yeux dans chacune de ses toiles, qui fait de chacune d'elles un drame dont la résolution est une victoire de la volonté plastique.
Cette main et cette sensibilité emparées, qui se proposent contradictoirement d'immobiliser le mouvement qui anime la matière "première" et secrète, agissent par sympathie, nous convient à être avec elles ce mouvement, le même toujours, qui se révèle dans la mouvance sans cessation des eaux, de la roche et du nuage dont elles participent, pour que nous nous y reconnaissions, identiques."
Ainsi s'exprimait la critique Renée Belon, après la première et seule exposition d'Andrée Simon en 1955 à la galerie de Conninck, rue des Beaux-Arts à Paris. Certes, elle avait déjà exposé quelques toiles, ses premières réalisations abstraites, aux 'Salon des réalités nouvelles" de l'immédiat après-guerre, amenée là par André Lhote, son vieil ami. Remarquée alors par un galerie new-yorkaise, qui organisera dans le même temps la première exposition de Poliakoff, elle s'était rétractée, puis réfugiée pour raison de santé et par misanthropie, à Gordes, dans le sud de la France. Elle devait y rester plus de quarante ans, dans une extrême solitude, entièrement consacrée à la peinture.
Y aurait-il des lieux privilégiés que hanterait la peinture ? Si celle-ci se vend habituellement à Paris, Londres ou New-York, elle s'y conçoit rarement. Les peintres ont souvent plus besoin d'un environnement, d'une lumière, d'un climat que d'ateliers... La Provence a inspiré, on le sait, les peintres du XIXè siècle : Cézanne qui peignit à Aix, face à la montagne Sainte-Victoire, ainsi que Van Gogh et Matisse, et un peu plus tard Picasso, qui s'installa aux pieds de la montagne Sainte-Victoire, au château de Vauvenargues.
On pourrait croire que l'abstraction, d'apparence plus dégagée des réalités environnantes ferait exception à la règle, il n'en fut rien.
Tel a été notamment le destin de Gordes, depuis que pendant la dernière guerre, le peintre André Lhote vint s'y installer. Avec lui, autour de lui, toute une série d'artistes qui tous allaient s'orienter vers l'abstraction, à l'étonnement irrité de ce maître du cubisme, qui laisse la place à cette nouvelle génération d'abstraits, fascinés par les compositions insolites des murs de pierres sèches, comme Vasarely, ou les ciels, si mouvants du Lubéron, comme Andrée Simon.
Andrée Simon fait partie de cette génération de peintres qui ont séjourné à Gordes, parmi lesquels Dewasne, Poliakoff, Schneider, Deyrolle, Vasarely, Loewenstein, Degottex... Aujourd'hui, Gordes en garde une trace, le musée Vasarely.
Née en 1896 en Normandie, Andrée Simon a hébergé ces peintres et les critiques R. Belon, Degand, Charles Estienne. Elle a participé à l'élaboration d'une conception sensible de la seconde génération abstraite, la "filière française", la plus lente à germer en ce XXè siècle qu'en Allemagne ou en Russie autour des Malevitch, Kandinski, Klee... Après le professorat, elle décidera durant l'été 1928, de sa vocation créatrice, en suivant le cours d'André Lhote à Mirmande, dans la Drôme, puis à Paris. Elle rencontrera plus tarde Villon et Estève. Les leçons de Lhote - avec lequel elle entretint une longue correspondance amicale, dont elle a gardé l'ensemble : deux cents lettres environ - ont marqué une génération même si celle-ci l'a, par la suite, renié. Ces rencontres déterminent l'orientation de la jeune femme qui, après une période figurative très cézannienne, s'engagera progressivement vers l'abstrait géométrique puis lyrique pour atteindre une sorte de simplicité élémentaire avec ses dernières oeuvres: collages de peintures, tons sur tons, ou dans sa monumentale série des "ciels".
Ses conceptions, marquées par la spiritualité d'un Kandinski, mais aussi par le rationalisme analytique d'un Lhote, ont porté Andrée Simon vers une peinture très construite, et en même temps tourmentée. Elle meurt à Gordes en 1981, à l'âge de 85 ans. Son oeuvre intacte et inconnue est en cours d'inventaire.